Si en France, beaucoup connaissent le Québec comme lieu d’origine de Garou, de Linda Lemay ou pire, de Céline Dion, rappelons tout de même que derrière ce brouhaha radiophonique indigeste, il existe une scène humble et radieuse capable de chanter sa passion avec une belle innocence. Arrivé il y a quelques semaines en France, Tantale de Monogrenade, premier album au style indéfini et aux arrangements à étages, possède déjà une chouette réputation de l’autre côté de l’Atlantique.

Dehors, le temps est grisâtre, il fait frais, peu de gens circulent dans les rues. Pourtant, on se sent bien. Rencontrer cette bande de fanfarons à l’occasion d’une de leurs rares dates française est pour nous une joie immense. Sans être excessivement long (25 minutes à peine), l’entretien avec Jean –Michel Pigeon, chanteur-compositeur, et François, bassiste-guitariste, est révélateur : dans quelques années, on comparera certainement les petits nouveaux à Monogrenade.


Votre biographie dit que vous vous êtes appelé Monogrenade pour une histoire de fruits, pouvez-vous nous en dire plus?

Jean-Michel : Pour la petite histoire, tout part de notre premier mini-album « La Saveur des fruits ». A l’époque, nous n’avions pas vraiment de nom, mais on en cherchait un qui tournait autour de ce concept. D’abord, parce qu’on trouvait ça cohérent, et puis ça nous faisait rire. Finalement, on a finit par trouver Monogrenade. Il n’y a pas vraiment de signification, c’est plus pour la sonorité qu’autre chose.

L’envie de faire de la musique ensemble, ça remonte à quand ? Qu’est-ce qui vous a incité à écrire ?

J-M : Comme on vient du même coin avec Matthieu et François, on se connaît depuis longtemps. Avec Matthieu on est ensemble depuis le secondaire (le lycée ndlr) et avec François, c’est surtout parce qu’on habite dans le même patelin (rires).
François : On a grandi ensemble. Même si je les ai perdu de vue un petit moment, Matthieu et Jean-Michel continuaient à se voir de temps en temps. Puis, lorsque Jean-Michel nous a parlé du projet de groupe qu’il souhaité monté, on l’a tout de suite suivi. Ca a donné Monogrenade.
J-M : Quant à Marianne, notre première rencontre s’est faite sur Myspace. C’est comme ça qu’elle est entrée en contact avec nous. Elle cherchait un projet, on l’a essayé, et depuis, elle est toujours là (rires).

Y avait-il une raison précise pour former un groupe, un besoin ?

J-M : Pour tout dire, il n’y avait pas réellement de projets. Suite à notre mini-album, on a commencé à faire parler un peu de nous à Montréal. Le fait que notre Myspace soit de plus en plus fréquenté nous a incité à nous inscrire aux Francouvertes de Montréal où, par chance, on a était pris. On ne s’attendait pas à ça. Principalement, parce que c’est un concours assez médiatisé qui réuni pleins de petits groupes francophones avec de nombreux journalistes spécialisés.
François : Entre l’enregistrement des maquettes et le concert donné pour les Francouvertes, tout a été très vite. En réalité, ce n’était que notre troisième concert.
J-M : Déjà, pour notre premier spectacle, on était surpris d’avoir rempli un bar, le Quai des Brumes à Montréal, alors qu’on n’avait quasiment aucune chanson. On ne sait toujours pas comment on a réussi à s’en sortir.

A quel moment vous êtes-vous sentis prêt pour enregistrer l’album ?

François : C’est simple, on a eu une démarche très professionnelle. On a fixé une date avec notre maison de disque et on s’est forcé d’être prêt pour cette date. Bon, finalement on n’était pas tout à fait prêt mais tout s’est très bien passé.

Comment doit-on comprendre le titre, Tantale ?

François : Le truc c’est qu’il n’y a pas grand chose à comprendre. On aimait le mot, et la sonorité qui en ressortait collait bien avec les illustrations de l’album. Mais il n’y a pas de gros concept à sortir de tout ça.
J-M : « Tantale », ça fait aussi référence à une chanson du même nom sur l’album qui parle un peu de la jungle. Mais on a surtout choisit ce titre par rapport à la phonétique qui renvoi à la tentacule. Ca collait bien avec l’artwork de l’album.
François : Par la suite, on a appris que le tantale était aussi un métal résistant à la corrosion. On aimait bien ce concept même si c’est un beau hasard.

Que vous a apporté le fait d’enregistrer en plein milieu d’une forêt ? Que recherchiez-vous ?

J-M : On recherchait avant tout la qualité du son et l’indépendance. On ne voulait pas être pris dans un créneau de studio, d’horaires et se voir imposer une tonne de techniciens à payer super cher. On voulait prendre notre temps, expérimenter. Dans le chalet que nous avions trouvé, on pouvait travailler quand on voulait. En plus, il y avait plein de pièce dont une piscine intérieur qui s’est avérée parfaite pour la réverbération de nos morceaux. L’album a presque était entièrement enregistré dans cette piscine intérieure.

Le but était donc d’éviter les contraintes, il n’y avait aucune démarche spirituelle derrière tout ça ?

François : Oui, notre intention était juste de garder une certaine liberté. Ce qui est bien, c’est que, même si on habite Montréal, on vient tous de la campagne. On ressent donc tous le besoin de s’évader un peu. Ca nous met dans des situations créatives. Plus que la ville.

Ce que vous dites, c’est que vous vous sentez mieux loin des grandes villes pour composer ?

François : Exact ! D’ailleurs on a un nouveau studio dans une campagne proche de Montréal. C’est vraiment plus pratique lorsqu’on enregistre là-bas.

Comment décririez-vous votre style ?

J-M : Oula ! Disons que c’est du folk-pop-rock-électro-expérimental. Satisfait ? (rires). Sérieusement, c’est super dur de définir notre style parce que toutes nos chansons sont assez différentes. Du coup, on préfère dire que ça englobe tout ça.

C’est un intérêt pour la pop française qui a engendré des titres comme « M’en aller » ou « Ce soir » ?

J-M : Pas vraiment. Pour nous, c’est un peu naturel ce genre de chanson puisqu’on est tous des francophones. On parle en français, on pense en français, on écrit en français.

Et ce n’est pas trop lourd d’être comparé à des artistes comme Radiohead ou Dominique A ?

François : Non, c’est plutôt marrant parce que, avant qu’on nous en parle, on ne connaissait même pas Dominique A. D’ailleurs, il faut qu’on aille écouter parce que beaucoup de français nous disent ça.

A l’instar de Tops, Avez-vous le sentiment d’être la relève de l’âge d’or montréalais avec des groupes comme Arcade Fire ?

J-M : Je ne pense pas qu’on fasse parti de la même scène. Tu sais, Arcade Fire ou Wolf Parade viennent plutôt de la scène anglaise de Montréal. Disons, qu’on ne sait pas vraiment sur quelle scène on se situe. Ce qui est bien, c’est qu’on peut jouer avec tout le monde. C’est un peu ça notre démarche. Si toutes nos chansons sont différentes, c’est parce qu’on les travaille une par une. C’est sur que par la suite il y a un univers, un style et une cohérence qui se créent mais ça n’arrive qu’après.

Quel regard portez-vous sur la scène montréalaise actuelle ?

François : Pour ma part, je l’aime beaucoup parce qu’il y a pas mal de groupes et pas mal de scènes. Ca grouille beaucoup de spectacles.
J-M : Ce qui est dommage en revanche, c’est que le meilleur de Montréal, ce sont les groupes indie qui ne sont pas supportés par la radio. Un peu comme ici je pense. Tout ce que joue la radio, c’est de la pop banale et très formatée.
François : Une chance que les radios universitaires passent des groupes plus osés et moins connus. Il y a moins d’argent en jeu, du coup, ils choisissent davantage ce qu’ils souhaitent faire passer.

Que signifie pour vous de pouvoir faire une tournée française ?

J-M : C’est un peu une surprise. Sans fausse modestie, on se sent un peu privilégié. Vraiment chanceux même. Pour nous, ça fait un an que l’album est sorti et qu’il fait son chemin tranquillement. En France, on a de la bonne presse et on fait de belles petites tournées donc c’est vraiment sympa.
François : Là, c’est notre troisième petite tournée en France. On voit bien l’évolution. On est passé du défrichage à une certaine attention à notre égard. Comme l’album a été plutôt bien accueilli, les gens se disent « Ah monogrende, oui j’ai entendu parler. » A côté de ça, on a également la chance de travailler avec Atmosphériques et Furax, deux labels supers sympathiques.

Avez-vous déjà recherché ce genre reconnaissance ou est-ce plutôt embarrassant ?

J-M : Je ne sais pas quoi dire parce que je ne sens pas encore de pression ou d’attente de la part de qui que ce soit.
François : Justement, on a parlait récemment entre nous. On trouve plutôt cool le fait que les gens ne connaissent pas encore toutes nos chansons. On peut faire davantage de surprises. Mais apparemment, on est précédé d’une bonne réputation sur scène, comme quoi on enverrait la marchandise en live, donc forcément on a un niveau à tenir (rires). Ce n’est pas du stress, mais on sait qu’on doit faire bonne impression.
J-M : Tout ça, c’est surtout depuis les Bars en Trans où on a eu une très bonne presse. Depuis, certains semblent curieux de nous voir. J’ai envie de leur dire « doucement, on n’est pas Arcade Fire non plus. » (rires)
François : Ce qui est drôle, c’est que depuis que les Inrockuptibles ont parlé de nous, les choses ont changé au Quebec. A présent, on parle beaucoup plus de nous là-bas. C’est assez étrange comme situation.

Que diriez-vous pour convaincre quelqu’un qui n’a jamais entendu Monogrenade ?

J-M : Juste qu’on touche à beaucoup de styles. Du coup, on peut permettre à pas mal de monde de s’y retrouver.
François : Surtout en live où on essaye d’apporter beaucoup de nuances aux morceaux. En gros, Monogrenade c’est malade (rires).
J-M : Voilà, venez aux concerts, vous allez peut-être aimé ça.