Hantée par Hantaï ?
Un peu oui, et davantage encore depuis que j’ai vu l’exposition qui lui est consacrée à Beaubourg !

Quarante ans après, oui quarante années se sont écoulées avant qu’on ne célèbre à nouveau l’oeuvre de ce peintre d’origine hongroise à travers une rétrospective. Dithyrambiques vous paraîtront peut être mes propos, mais pour cause, l’exposition révèle d’emblée le caractère foisonnant et substantiel de l’oeuvre de Simon Hantaï. Il y a différentes archives dont deux films et plus de 130 peintures (pour être sonnante) réalisées à partir de 1949 jusqu’aux années 1990 qui se dressent devant nos yeux hagards. Elles témoignent toutes d’une créativité d’une ampleur considérable.

L’exposition s’articule de façon chronologique mais sans pour autant distiller une monotone scénographie : la visite est limpide, étendue, éployée. Chose curieuse me direz-vous alors qu’il s’agit de parler d’un artiste qui a développé « le pliage comme méthode ».

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Hantaï est renommé pour la technique du pli il est vrai, mais nous serions bien gobeurs de s’en tenir là. Cette rétrospective présente en effet les diverses recherches de l’artiste, avant l’esquisse de la plissure et après, la développant à son paroxysme, cela, dans l’élaboration du système nodal jusqu’au découpage.
On découvre par exemple que le peintre emprunte de 1949 à 1955 les procédés automatistes propres au mouvement surréaliste tels que le frottage, les décalcomanies et les coulures. Les toiles de cette période regorgent de méandres de formes hybrides, biomorphiques, intestinales. Les couleurs y sont criardes, un brin avilies.
On constate également l’importance accordée à l’égard des matériaux : Hantaï réalise des collages à l’aide de plumes, de feuilles, de végétaux, de lichens, d’arêtes de poisson ou encore de sacs de pommes de terre.

Il frotte, il colle.
Il gratte aussi. La lame de rasoir dans une main.
Il racle.
Il cherche en somme.
Et commence à froisser.

Nous est présentée la période dite « gestuelle » laquelle, témoigne de l’influence de Georges Mathieu et de Jackson Pollock sur l’oeuvre d’Hantaï. Trois toiles à la gestuelle épurée que j’ai trouvé d’une singulière beauté sont exposées face à des peintures reprenant la technique du « all over » qui consiste à occuper toute la surface de la toile en laissant subodorer le mouvement expressif de l’artiste sur un pinceau épanoui.

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S’ensuit la technique de « petites touches et écriture » qui conduit le peintre à réaliser par exemple sa célèbre et mirifique Ecriture rose, œuvre reflétant l’intime relation qu’Hantaï travaille à ourdir entre peinture et écriture.

Les toiles du début des années soixante que l’artiste a dénommé « Mariales » font office de premiers travaux concourant véritablement au pli. La technique de l’artiste consiste ici à froisser la toile, à la plier et à la peindre. Ne sont ainsi recouvertes de peinture que les surfaces laissées apparentes. Hantaï déplie ensuite la toile et se charge alors de peindre l’intérieur immaculé des plissures. Tandis que la surface reste plane, le tracé du pli sur les toiles exhibe des béances, des meurtrissures.Image5 Et comme si l’artiste se lassait des stigmates, il désigne ses œuvres suivantes par « Panses ». Ici la toile est nouée aux quatre angles, pliée, peinte et dépliée plusieurs fois.
Interviennent ensuite les « Meuns » , les «Etudes » et les « Blancs » qui révèlent « l’étoilement » que Didi-Huberman a su largement traiter dans son ouvrage consacré à l’artiste hongrois.

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Les « Tabulas » (du mot latin signifiant « table » ou planche ») délaissent discrètement le pliage pour se fonder sur la modalité du nouage qui concourt à un quadrillage de la toile. Enfin, l’exposition se termine par les « Laissées » datant de 1981 à 1994. Cette période est celle d’une retraite volontaire du peintre durant laquelle il décide de découper ses immenses « Tabulas » qui deviennent, à travers cette opération d’ablation, des peintures nouvelles.
C’est avec un heureux sentiment que j’ai pu redécouvrir et surtout découvrir l’oeuvre pléthorique de Simon Hantaï qui n’a de cesse aujourd’hui encore de resplendir.
Heureuse aussi d’avoir eu le privilège de pouvoir bénéficier d’une sphère spatio-temporelle favorable : les visiteurs de cette rétrospective affluent raisonnablement.
A contrario, si vous avez l’envie d’affronter la cohue dans l’exposition « Roy Lichtenstein », je vous souhaite haut les cœurs ! Histoire de s’en remettre paisiblement et de converser avec l’azur, je vous recommande vivement une collation chez Georges. On en ressort inéluctablement revigoré et aérien avant de reprendre l’escalier mécanique dans le conduit tubulaire et de se faire cogner l’échine par le soleil qui gronde.

 

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Simon Hantaï
22 mai/2 septembre
Centre Pompidou
Galerie 1 – Niveau 6
Tous les jours sauf le mardi de 11:00 à 21:00
Nocturnes les jeudi jusqu’à 23:00