Pour cette chronique spéciale NUITS SONORES 2011, Pleaz a fait appel à un ami chroniqueur et vidéaste.

Récit et vidéos « L’échappée belle – Nuits sonores 2011 – 1er au 5 juin, Lyon » par MA. BIDON

Les nuits sonores, c’est un festival au cœur de la cité. Pendant cinq jours, les Parisiens se donnent rendez vous à Lyon la bourgeoise. Le temps d’une semaine la capitale des Gaules devient celle des musiques électroniques. La ville s’anime. Ses jardins sont truffés de sound-system. Il règne un vent de liberté salutaire.

Pour cette édition 2011 le gratin des musiques électroniques se donne rendez vous sur le site du Marché gare pour une orgie sonore. Comme chaque année les programmateurs dénichent des groupes improbables qui réjouissent mon goût de l’éclectisme. Les nuits sonores se vivent en bande. Enfin, moi je le vis comme ça. Les appartements deviennent des campings.

Nous circulons dans la ville, bière à la main. C’est festif, terriblement humain. C’est notre Woodstock. Nous buvons beaucoup, nous nous déconnectons du réel. C’est finalement très Love. L’été est déjà là, malgré la pluie et le froid.

Je décide d’activer le Studio des pentes pour l’occasion. Il s’agira de laisser une trace, un résumé vidéo de chaque soirée. Je me dis que c’est chouette de partager ces moments, de courir d’une scène à l’autre, de jouer au reporter. Tintin au cœur des nuits sonores. L’œil naïf, sans à priori.

Nuit 1

Après l’inauguration joyeuse à la piscine du Rhône, nous enfourchons nos vélos en direction du Marché gare. Il est déjà trop tard pour Dj Shadow, c’est dommage. Je cours vers la scène 2 pour The Sonics, la légende des sixties, les héros du rock garage de Seattle. Ils sont vieux, jouent old school.

Ils sont un rien désuets mais bourrés d’énergie. Ils ont le sourire engageant. Devant eux, les kids sont subjugués, moyenne d’âge vingt ans. Le décalage est complet. Le plaisir est communicatif. Du rock vintage comme introduction à un festival électro, ça a du sens, ça forme du lien entre les musiques. Je trouve ça fantastique.

Je file sur la scène 1 pour voir The Battles signés sur le mythique label Anglais WARP. C’est un mélange de rock fou, de pop bizarroïde. Trois musiciens barrés, comme au temps heureux du jazz,  réinventent la musique. Ils brisent les règles et les frontières. Je suis devant la scène. Ça démarre fort. Des agités dansent furieusement. Je suis pris dans une vague, je trébuche.

J’hésite entre sauver ma caméra, ou éviter l’écrasement. Je manque d’étouffer sous une pile de festivaliers éméchés. C’est vivifiant ! So Rock ! The Battles n’ont plus de  chanteur, une bande le remplace, mais l’énergie est là et le batteur exceptionnel. J’ai l’impression d’écouter un son nouveau. The Battles, c’est de la musique transgenre, inclassable. J’ai terriblement envie de découvrir leur nouvel album « Gloss drop ». C’est le premier moment fort du festival.

Je navigue ensuite d’une scène à l’autre. Parfois je ne sais pas ce que je vois. C’est une aventure sonore. Ici, un combo rock Suédois, droit dans ses bottes, là un truc électro chiant que je ne comprends pas. De la pop aussi, une fille cachée derrière ses longs cheveux aux claviers.

Un Dj mixe «I wanna be your dog» des Stooges. Cela me donne l’impression d’un chouette capharnaüm. Mais, c’est la première soirée, Il faut se préserver. Les nuits sonores, c’est un marathon. À quatre heures, je quitte le site. Je sprinte en Vélo. Je me couche exténué. Je ne vois pas comment je vais tenir ce rythme fou.

Nuit 2

Ce jeudi, c’est « sortie en boite » pour soutenir le label Français le plus ambitieux du moment. C’est d’« Infiné » dont je parle. Nous prenons la direction du Sound factory. Je hais les clubs. Ces endroits étroits où l’on danse entassé et où l’alcool a un coût prohibitif. Ici, je suis servi.

Dans la grande salle bondée, Josh Wink, une pointure de l’électro, assure le service minimum. Aucun intérêt à l’écouter. Je trouve son mix plat, sans envergure. Heureusement la musique reprend ses droits avec l’arrivée de RONE dans la petite salle, celle où l’air est respirable. Cet artiste a publié il y a deux ans l’un des albums les plus chouettes jamais entendu dans le genre (Spanish breackfast/ Infiné).

Une musique expérimentale et accessible portée aussi bien par le rêve que par l’envie de faire danser. Ses nouvelles productions, le maxi « So So So », sont à la hauteur. Il reste collé aux vents comme sur le titre « Bora ». Le public suit et s’enflamme. C’est comme un concert rock. Rone a une manière de mixer très organique.

Il est de ces djs que l’on aime regarder. Malgré des problèmes techniques, il est heureux d’être là. Je crois que ça se voit sur la vidéo. J’adore ce type qui enflamme une boite de nuit avec autant de simplicité. C’est l’avenir de l’électro en France. Je vous incite à l’écouter d’urgence. Après le nirvana, Clara Moto vers 3h du matin nous fait redescendre en douceur. Un mix plein de classe.

Nous prenons un taxi, les corps sont fatigués. Il est cinq heures. Je ne parviens pas à m’endormir.

Nuit 3

C’est la nuit la plus belle. La plus réussie. Elle commence par un live d’Arandel. Une entité mouvante dont j’apprécie la musique sans me soucier du qui, du pourquoi du comment. Arandel n’existe que pour porter une musique ambitieuse. L’artiste en retrait, c’est finalement assez rare dans ce monde d’ego.

Le set est enthousiasmant. Il mêle la puissance d’une guitare, la volupté du violoncelle, l’étrangeté du Thérémine aux nappes électroniques, aux percussions pré-orgasmiques. Ce sont des arrangements brillants qui reflètent une culture large qui va de la pop au classique. La formule fonctionne sur scène comme sur disque.

Là aussi, si vous n’avez pas écouté « In D » (Infiné), sorti l’année dernière, il est temps de prendre le train en marche. C’est ici que se construit la musique en 2011. Je découvre Nicolas Jaar pour un concert tout en douceur, entre jazz et musique progressive. Il parait que c’est la révélation du moment.

Il y a incontestablement beaucoup de talent, mais l’on ne peut pas dire que ça démarre vraiment. Nous restons dans le coton. Ce n’est pas désagréable.

Ce garçon doit être assez poli pour laisser la vedette à Caribou qui dans la foulée enflamme le public de sa pop électronique. Leur final rend les festivaliers extatiques. Un des plus gros succès populaires.

Je file sur les conseils d’une amie à la découverte de Nina Kraviz. Sa musique est terriblement sensuelle. Elle est elle-même très classe et mise sur une sensibilité remarquable. J’observe qu’elle vit intensément son mix qui rameute la grande foule devant la scène 4. Nina Kraviz fais monter l’ambiance et donne une leçon d’efficacité (voir vidéo). Je suis sous le charme.

Au même moment, les vétérans suisses de la scène industrielle rock débarquent. The Young Gods sévissent depuis vingt-cinq ans. Ils sont intransigeants avec leur musique. Ils donnent l’impression d’y croire encore. Dans leur genre, ils sont au top. Moi je ne suis pas sur d’avoir envie de les écouter très longtemps. Surtout qu’une grande fête se prépare.

Agoria, le Dj Lyonnais joue à domicile. Il s’installe sur la grande scène pour quatre heures de mix et prend par la main plus de sept mille personnes. Il nous embarque au bout de la nuit jusqu’à l’extase. C’est phénoménal de faire cela. Il y a de la communion dans l’air, c’est quasi religieux. Sa musique rend heureux et libère.

Le public crie, applaudit, s’affole. Agoria envoie du lourd, joue de sa sensibilité. C’est la tête d’affiche de ces nuits sonores et il honore ce statut. La scène est envahie de danseurs. Je crois que nous ressentons plein d’amour autour de nous.

Je rentre à six heures du matin. Le métro est envahi de gens hagards, épuisés mais épanouis. Je m’effondre de sommeil.

Nuit 4

C’est déjà la dernière nuit qui débute avec Tortoise, un groupe mythique des années 80. Leur musique est belle. Très calme. Je dois reconnaître que je m’ennuie un peu. Je fuis donc pour la découverte de la soirée : Frivolous. Il porte un gros cœur rouge sur son t-shirt. Ce cœur représente assez bien sa musique. On dirait une kermesse géante. C’est généreux et franchement jubilatoire.

Je danse aussi très bien sur Shackleton. D’ailleurs mon corps bouge désormais tout seul. J’ai l’impression d’être en mode automatique. C’est une expérience étonnante. Je redoute le retour au réel. Tout en dansant je tombe par hasard sur un groupe de japonaises, Bo Ningen. Elles débarquent d’un vieux manga. On dirait les Sylvidres dans Albator.

Là,  je vous conseille de mater la vidéo. Toute description est inutile. C’est out of space. Dès le premier morceau elles sautent dans tous les sens comme montées sur ressorts. C’est hybride entre le métal et la noysy pop. C’est mon premier fou rire musical de ces nuits sonores. J’adore.

Je jette un coup d’œil à Discodéine. Ils sont ennuyeux et ne justifient pas le buzz autour d’eux. Mais la batteuse Tatiana Mladenovitch relève le niveau. Cette fille,  je la regarderais jouer pendant des heures, son jeu est hypnotique. Je la préfère aux cotés de Bertrand Belin, mais je félicite cette tentative de s’insérer dans un monde qui n’est pas le sien.

Je reviens sur la scène 2 et me mange un uppercut en pleine face. Terrible parce qu’inattendu. C’est The Gaslamp Killer et je lui décerne la palme du plus grand performer du festival. Il mixe aussi bien les Stooges que Les Beatles. C’est un fou furieux. Il a une présence déconcertante. Là aussi,  la vidéo est indispensable pour retranscrire sa folie. Son mix de Lucy in the sky with diamond me retourne la tête et reste gravé dans mon imaginaire . Génial tout simplement.

Après cette montée d’adrénaline, je cours vers la grande scène où Luciano est sensé enflammer le festival. Malheureusement la clôture est un peu gâchée. Sa musique est atrocement molle. La moindre montée est inexorablement gâchée. C’est décevant de terminer ainsi mais ça ne donne que plus de valeur à la performance d’Agoria la veille. Nous partons à cinq heures un peu avant la fin, heureux tout de même de la diversité de cette soirée.

Au final c’est rien de dire que Les nuits sonores ont une nouvelle fois tenues toutes leur promesses. Avec leur lot de pointures, de découvertes, d’apparitions, de spécimens étranges, c’était bien quatre nuits d’orgie sonore. L’organisation était au poil avec un public venu pour faire la fête sans l’ombre d’une violence. Un grand rassemblement pacifique hors du temps.

Désormais se dessine à l’horizon la prochaine édition. Nous fêterons les 10 ans de ce festival hors norme. Je n’ose imaginer ce que l’équipe des nuits sonores va nous réserver. Je serais là, je n’en doute pas une seconde, prêt à relever le défi d’une nouvelle édition. Peut être le soleil nous gratifiera de sa présence pleine et entière. J’ai noté l’effet qu’a eu le set du magicien Agoria sur la météo. Lui aussi il sera là, c’est sur, fidèle au poste, prêt à nous émerveiller à nouveau.

MA.BIDON

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Rendez-vous du 16 au 20 mai 2012 pour la 10e édition, NUITS SONORES 2012 !