Que savez-vous du Calvados ? « Un alcool fort que l’on a l’occasion de retrouver lors de grandes festivités, notamment avec le Trou Normand » ! C’est ce que la plupart des personnes interrogées répondent et, en toute franchise, je n’en pensais pas vraiment davantage… C’est donc rempli de curiosité et d’excitation que nous abordons cette nouvelle journée à découvrir et mieux comprendre l’un des produits les plus fameux de la Normandie, le Calvados !

Alcool de poire ou alcool de pomme ?! Et bien justement, dans certains cas, nous verrons qu’il s’agit des deux. Mais retenons que le Calvados est principalement issu de la distillation de cidre, soit en quelque sorte une eau-de-vie de pomme ! Au cœur de ce processus, le fruit d’Adam donc, dont il existe environ une centaine d’espèces à cidre (bien plus petites que les pommes de table), classifiées en quatre catégories : les douces, parfumées et sucrées ; les douces amères, riches en tannins ; les amères, riches en acidité et en tannins ; et les acidulées, qui apportent de la fraîcheur. Parmi elles, la Rouge Duret, la Noël des champs, la Chevalier jaune ou encore la Moulin à vent, à ne pas confondre avec une appellation de vins du Beaujolais ! Quoi que le parallèle est intéressant car comme dans l’assemblage de cépages dans le monde viticole, c’est bien le même principe qui est suivi pour la fabrication du cidre, puis du calvados, afin d’obtenir les goûts et les saveurs souhaités.

LA MAISON BOULARD

Bien que nous soyons au mois de Septembre, notre escapade n’a malheureusement pas coïncidé avec la période de la récolte des pommes (de mi-septembre jusqu’à fin novembre environ) que nous aurions suivie avec plaisir. La découverte débuta alors directement avec la visite d’installations de distillation, et c’est la maison Boulard, située à Coquainvilliers, à une cinquantaine de kilomètres dans les terres à l’Est de Caen, qui nous accueillait.
La spécificité de cette maison familiale, créée en 1825 par Pierre Auguste Boulard, est d’utiliser exclusivement des pommes issues d’une zone géographique appelée le Pays d’Auge – le terroir le plus propice et le plus réputé. C’est ce qui lui permet de produire des Calvados en appellation Pays d’Auge, les deux autres appellations du spiritueux étant AOC Calvados et AOC Calvados Domfrontais, respectivement 74% et 1% de la production totale.

Pour produire du Calvados Pays d’Auge, il faut obligatoirement utiliser la technique de double distillation. La pomme, après avoir été pressée et fermentée pour obtenir le cidre, arrive pour une opération consistant en l’extraction d’un alcool le plus pur possible. C’est par le principe de chauffe (à 80°C) que l’eau et l’alcool du cidre se séparent. En retirant les premiers et derniers produits de distillation, respectivement appelés têtes et queues de chauffe et qui sont trop forts en alcool ou pas suffisamment, on obtient le cœur de chauffe dont la teneur en alcool titre entre 60 et 80%. Comme vous vous en douterez, une double distillation permet un résultat d’une qualité supérieure, ce qui impacte également au coût du produit.

Une fois la distillation effectuée démarre l’étape la plus importante (même si les précédentes le sont aussi !) : le vieillissement. Le Calvados ne serait pas ce qu’il est sans ce travail ; vous auriez d’ailleurs sans doute l’impression de boire une vodka de pomme, bien plus forte en alcool et sans les arômes de pomme… Le vieillissement permet donc d’affiner le produit, de le faire mûrir, afin qu’il dégage un certain caractère.

Comme pour le Cognac, le Whisky ou un certain nombre de vins pour ne citer qu’eux, le vieillissement du Calvados s’effectue dans des barriques de bois, plus précisément du chêne. Au contact du bois, l’eau-de-vie de cidre originel va développer des arômes qui vont se concentrer et se complexifier au fil du temps. Floral, végétal, animal… le précieux liquide se dote d’un bouquet riche et diversifié selon le nombre d’années de vieillissement, mais aussi selon l’origine du chêne choisi pour le fût, son âge, ou encore son degré de chauffe !

Le temps de vieillissement minimum du Calvados est de deux ans. Il peut ensuite s’étendre des années, voire des décennies – et sa couleur s’assombrit avec le temps ! Pour permettre aux consommateurs de reconnaître plus facilement les différentes classes d’âge, il existe des dénominations spécifiques. Voici les plus connues :
– minimum de 2 ans de vieillissement = « Fine » ou « VS » (Very Special)
– minimum de 3 ans de vieillissement = « Réserve »
– minimum de 4 ans de vieillissement = « VO » (Very Old), « VSOP » (Very Superior Old Pale) ou « Vieille Réserve »
– minimum de 6 ans de vieillissement = « Hors d’âge », « XO », « Très Vieille Réserve » ou encore « Napoléon »

C’est dans la boutique de l’établissement, aménagée de façon très originale que s’est terminée notre visite. D’anciens foudres (de grandes barriques) ayant servi au vieillissement du Calvados, ont été joliment transformés en espaces de dégustations ! Parmi la large gamme de Calvados proposée par la maison Boulard, nous avons pu en déguster quelques uns. Vérifiant la richesse des complexités aromatiques, un élément a retenu notre entière attention ! Contrairement au Cognac et à de nombreux vins dans lesquels il n’est pas toujours évident de déceler le raisin, il est surprenant comment l’âme du Calvados ne peut pas se séparer de sa nature, la pomme, qui est omniprésente autant au nez qu’en bouche ! C’est à partir d’elle que se distinguent ensuite diverses notes boisées, fruitées, végétales ou encore florales. Notre coup de cœur a d’ailleurs été pour le Boulard XO, AOC Calvados Pays d’Auge, dans lequel nous avons apprécié l’harmonie entre la pomme, des notes de noisettes, d’amandes, ainsi qu’un côté légèrement épicé – avec une longueur en bouche assez exceptionnelle… La Maison Boulard est leader sur le marché des Calvados Pays d’Auge, et ce n’est pas pour rien !

Revivez en images cette visite au cœur de la maison Boulard – que vous pourrez vous aussi découvrir via leur site Internet ou directement à Coquainvilliers – Lieu dit Ancien Moulin de la Foulonnerie.

LES TONNEAUX DU PÈRE MAGLOIRE

Notre visite se poursuit en direction de la côte, à mi-chemin entre Coquainvilliers et Honfleur, dans la ville de Pont-l’Evêque, célèbre pour ses fromages carrés ! Une autre maison de Calvados y siège, il s’agit de Père Magloire. Mais avant de découvrir et déguster de nouveaux nectars, nous faisons une halte déjeuner que nous devons absolument vous conter ! Faisant face au site de Père Magloire, le restaurant Les Tonneaux du Père Magloire (au nom semblable mais n’appartenant pas au même groupe) – qui sert des spécialités normandes et notamment autour des fromages de la région.

Tout d’abord, c’est l’originalité du concept qui frappe, avec un établissement qui porte forcément bien son nom. C’est dans d’anciens foudres ayant servi au vieillissement du Calvados que les clients peuvent prendre leur repas ! Pour nous qui avions déjà découvert ce design chez Boulard, la surprise était forcément moins grande, mais l’ambiance authentique du repas était tout de même bien garantie !

Côté cuisine, pas de fioritures artistiques, simplement du beau et du bon : un assortiment de produits fermiers et maison avec des terrines, des crudités pommes, ou encore une crème fraîche aux herbes au goût exquis ; les spécialités de la maison – les tartes Léontines (que nous vous conseillons vivement…), ici boudins noirs et pommes ou jambon de pays et Pont-l’Evêque ; accompagnés d’un cidre Bio ou encore du cocktail maisonPommeau de Normandie, Calvados Pays d’Auge, jus de pomme, sirop de pomme. Vous pourrez découvrir plein d’autres mets aux Tonneaux du Père Magloire – Route de Trouville à Pont-l’Evêque.

AU PÈRE MAGLOIRE

Le ventre bien plein – heureusement, il nous suffit de traverser la rue pour atteindre le site du Calvados Père Magloire. Un très grand site qui, comme la maison Boulard, se visite tout au long de l’année (voir les conditions en période creuse). Surprise, le tour du propriétaire débute par un passage dans leur musée du Calvados, une salle où est exposé un certain nombre d’objets et de documents d’archives liés au spiritueux – affiches publicitaires, outils et matériels de fabrication – on admire par exemple les anciennes meules et presses utilisées avant l’ère des machines. Un musée confidentiel mais dont il est intéressant de retrouver toutes ces pièces en un même lieu – il sera d’ailleurs agrémenté dans les prochains mois.

Après un passage en salle de projection pour visionner un film sur l’histoire de Père Magloire ainsi que le processus de fabrication du Calvados, nous accédons à un vaste chai où sont stockés d’innombrables fûts et foudres. On y aperçoit des explicatifs quant au processus de distillation ou bien à la fabrication des tonneaux ; des récompenses à des concours de Calvados mettent également en valeur la marque, qui, nous le verrons ensuite, ne produit pas qu’en Appellation Pays d’Auge comme la maison Boulard. Enfin, nous avons l’honneur de pouvoir découvrir une partie du travail du Maître de chai – le responsable de l’élaboration des Calvados – avec sa bibliothèque dans laquelle il conserve précieusement de nombreux « échantillons » de différents calvados, bases des assemblages qu’il réalise chaque année !

Pour terminer cette belle journée, nous rejoignons l’accueillant espace boutique et dégustations afin de découvrir quelques pépites du Père Magloire. Comme nous vous l’avions dit précédemment, la maison se distingue de celle de Boulard en produisant plusieurs appellations. Nous avons retenu celles qui nous ont le plus plu !

Calvados AOC Domfrontais : nous vous disions que l’origine du Calvados pouvait se trouver dans la poire. C’est justement le cas de l’Appellation Domfrontais dont la fabrication utilise un minimum de 30% de poiré, l’équivalent du cidre, mais de poire ! Un spiritueux très agréable entre la pomme (dominante) et la poire qui apporte de la fraicheur. Il se marie d’ailleurs très bien en cocktail avec un Gin Tonic !

Pommeau de Normandie : issu du mélange de moût de cidre – du jus de pomme non fermenté qui apporte tout le sucré – avec une sélection de calvados déjà vieilli en fût, cet alcool d’apéritif titre à environ 17%. Avant d’être mis en bouteille, l’assemblage doit lui-même être vieilli 14 mois minimum. Celui du Père Magloire est passé 3 ans au contact du chêne, son nez et sa bouche dénote des pommes cuites presque confites, pouvant être une belle alternative aux vins moelleux.

Calvados XO AOC Pays d’Auge : celui dont on dit officieusement que c’est « un alcool de femmes » a conquis nos papilles, et pas seulement ! D’un ton très parfumé, fruité, on est marqué par la finesse de ce spiritueux dont la longueur en bouche est magnifique, d’autant que les notes de vanille bouclent agréablement la dégustation. A goûter absolument !

Ce fut une excellente journée de découvertes, nous espérons avoir également attisé votre curiosité pour ce produit d’exception rempli d’histoires. Pour l’anecdote, on nous a présenté un grand Calvados de 50 ans d’âge pour lequel nous avons réalisé que le Maître de chai originel a dû transmettre ses idées à son successeur afin que celui-ci puisse terminer un travail long de plus d’un demi-siècle ! Derrière un produit, il y a des hommes et leurs contes et tout cela fait la beauté de nos terroirs et de notre gastronomie !
Un grand merci à Aude (maison Boulard) et Aurélie (Père Magloire) pour leurs explications et leurs précieux conseils.