Un an après son sous estimé Sleep Over, mais surtout cinq ans après son tubesque « You Are Never Alone », Socalled était présent aux dernières Nuits Secrètes. On en a profité pour le rencontrer quelques heures avant son passage sur la scène du Jardin alors qu’il venait de donner un concert, somme toute particulier, à la Piscine. Une performance qu’il qualifiera lui-même, non sans humour, de rafraichissante.

Parle-nous un peu de ton dernier album, Sleep Over, comment est-il né ?

Je ne me souviens plus bien parce que je l’ai commencé il y a quatre ans, mais je dirais que tout est parti de mes enregistrements sur sampler, comme souvent. Grâce à cet outil, je crée mes intentions rythmiques et mélodiques sur lesquelles je vais intégrer les voix des rappeurs ou les vrais instruments. Ce qui m’intéresse c’est que le processus est toujours différent : des fois, ce sont des nouvelles mélodies que je compose, d’autres fois ce sont des anciennes que je pique à de vieux folklores ; parfois, ce sont des nouvelles paroles, parfois des anciennes ; parfois, c’est moi qui les écrit, parfois non. J’ai essayé avec Sleep Over de faire plus simple que sur Ghettoblaster, de faire un album plus facilement adaptable en live. Malheureusement, j’ai raté mon coup. Je ne peux pas m’arrêter d’ajouter des sons, des voix ou d’inviter des gens que je trouve cool. Finalement, je suis très triste parce que j’ai fais cet album en pensant à la France, étant donné que le précédent avait reçu de bonnes critiques ici, mais celui-ci n’a pas pris. Pourtant, j’ai essayé de faire quelque chose de mieux et je pense sincèrement qu’il est mieux mixé et mieux composé. Les gens ne savent pas qu’il existe. J’espère que tu peux m’aider à le faire connaître (rires).

D’où vient cette envie de mélanger les styles ?

C’est juste que j’aime beaucoup de styles. Je fais partie du monde hip-hop mais pas vraiment parce que le monde hip-hop est devenu très conservateur, très stylisé et très fermé. Il y a trop de codes. Je refuse de faire partie d’un monde fermé comme celui-ci. J’ai des amis qui font du rock, d’autres qui font du jazz et j’adore leur musique, comme le reste des musiques du monde. Je ne veux pas choisir. Je pense que je suis un produit du temps. Avant nous étions tous enfermés dans des petites cases, mais maintenant, dans ce monde explosé, pourquoi choisir un style en particulier ? C’est un problème pour moi car les gens des maisons de disques et les disquaires aiment mettre des petites catégories. Pour moi, tous les morceaux de Sleep Over sont différents. Je pense naïvement que les autres sont comme moi, ouverts à beaucoup de styles. Ce n’est pas le cas. Malgré tout, je pense que cet album peut convenir à des auditeurs du monde entier.

Justement,  appartenir au mouvement hip hop sans pour autant y être intégré, est-ce enviable à tes yeux ?

Oui, je suis content d’être libre. Mais au niveau commercial, ça ne marche pas. Ce qu’ils veulent, c’est vendre.

Est-ce que ton travail sonore se mélange parfois à ton travail photographique ? A quel moment du processus créatif, cela intervient-il ?

Je ne suis maître de rien. Je suis juste intéressé par plein de choses différentes, des choses qui me permettent de m’exprimer différemment. Ainsi, si je m’ennuie d’une pratique, je peux me concentrer sur une autre. Cela me permet de rester toujours inspiré. Par exemple, pour Sleep Over, j’ai pris toutes les photos que l’on retrouve dans la pochette. J’ai également fait tout le travail graphique. Hors musique, je fabrique également toutes les marionnettes que j’utilise sur scène.

Est-ce cette passion qui t’inspire les nombreux effets dans tes différents clips ?

Oui, c’est exactement ça.

Tu t’es imprégné des musiques Klezmer pour créer ton hip-hop yiddish, te considères- tu comme un musicologue ?

Oui, mais par accident. C’est parce que je collectionne de vieux disques que je suis tombé sur cette culture. A force de collectionner un bon nombre d’albums de musiques Klezmer, j’ai fini par comprendre d’où venaient toutes les influences de cette musique. Grâce à cela, je me suis intéressé à la musique des « voisins » des juifs en Europe de l’Est : la musique bulgare, roumaine, slovène, etc. Pour Sleep Over, je crois que les influences sont plus cachées. C’est peut-être ça qui fait qu’il a moins marché commercialement. Les gens s’attendaient peut-être à recevoir de nouveau ce mélange de hip-hop et de musiques Klezmer en pleine face.

Malgré le succès mitigé de cet album, as-tu l’impression de devenir meilleur avec le temps ?

Oui, j’espère. Sinon, pourquoi est-ce que je travaille ? Après, je me fous un peu de ce que disent les gens, j’essaye juste de faire de bons trucs.

Quelle image penses-tu avoir auprès du public ?

Je ne sais pas trop. Tout ce que je peux dire c’est que lorsqu’on fait des spectacles, on essaye de faire du mieux possible, de divertir, même si en France le mot divertir a une connotation négative. En Angleterre aussi d’ailleurs, cela renvoi à une musique populaire. Malgré tout, j’aime la musique populaire, Beyoncé ou Rihanna, tout comme j’aime aussi la musique dite « sérieuse ». Pour moi, il n’y a pas de populaires ou de sérieuses musiques, il n’y a que de la bonne ou de la mauvaise musique. C’est pour ça que sur scène, on essaye juste de faire le meilleur show possible sans se prendre trop au sérieux. De toute façon, la vie est une blague (rires).

Que fais-tu entre deux albums ? 

J’ai produit un autre disque qui s’appelle Tweet Tweet d’Abraham Inc. C’est un projet avec quatre cuivres et deux guitares. On a fait des dates avec ce projet qui se sont plutôt bien passées. Dernièrement, j’ai fait une comédie musicale avec les marionnettes tout en produisant des albums pour d’autres artistes, comme Canaille et Enrico Macias. C’est un peut drôle je sais (rires). Je ne m’intéresses pas à la politique et je ne suis pas français alors je me fous qu’il traine avec des cons (rires). Actuellement, je travaille sur une prochaine comédie musicale qui s’appellera « Les Contes d’Odessa » et se basera sur l’histoire des criminels juifs dans les années vingt.

Un concert dans le cadre d’un festival, comme Les Nuits Secrètes, est-il un concert comme les autres ?

Il faut toujours être prêt pour jouer devant des publics différents. C’est un jeu. Si le public n’est pas prêt à te recevoir, il va falloir gagner leur confiance. Ici, même si c’est la même musique, la façon de la présenter sera un peu différente. N’importe où, n’importe quand, c’est toujours une aventure.